Le Guardian affirme que les législateurs britanniques refusent de nommer les groupes médiatiques ayant fait pression pour faire adopter une législation limitant la propriété étrangère des publications britanniques par des États. Le gouvernement britannique a annoncé le mois dernier qu’il allait augmenter à 15 % la part maximale d’un journal pouvant être détenue par un État étranger — un triplement du seuil actuel.
Ce changement ouvre la voie à un consortium comprenant une entité d’investissement soutenue par les Émirats arabes unis pour acquérir le Telegraph.
Pourquoi les ministres ont-ils gardé confidentielles les réponses à la consultation ?
Les ministres ont pris la mesure inhabituelle d’exiger que l’identité de quatre groupes médiatiques ayant participé à une consultation publique sur la question reste confidentielle. Un groupe multipartite de membres de la Chambre des lords, chargé d’examiner le changement législatif proposé, a été explicitement prié de ne pas divulguer les noms des entreprises concernées.
« Le ministère nous a demandé de ne pas révéler l’identité des organisations ayant répondu », a déclaré le groupe, composé notamment de membres du Parti travailliste. « Le choix du ministère de maintenir confidentielles les contributions à une consultation publique nous inquiète. C’est une approche très inhabituelle, d’autant plus que le document de consultation précisait qu’une liste des organisations ayant répondu serait publiée sur le site du ministère, accompagnée d’un résumé des principaux commentaires. »
Quel est le rôle du groupe DMGT dans le lobbying des États du Golfe ?
Les ministres ont également entendu les représentants du groupe Daily Mail and General Trust (DMGT) de Lord Rothermere, qui possède le Daily Mail, le Mail on Sunday et le i Paper. La position adoptée par chaque entreprise reste inconnue. Quelques semaines avant l’annonce du changement législatif, une délégation émiratie a rencontré des responsables de Downing Street.
Le DMGT, en raison de ses liens avec les pays du Golfe, concentre aujourd’hui une grande partie de ses activités événementielles dans cette région. Lord Rothermere a notamment figuré parmi les personnalités médiatiques ayant rencontré le président américain Donald Trump et l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani, à Doha le mois dernier.
Quels sont les enjeux de sécurité nationale liés à la propriété étrangère ?
La réforme, qui doit être soumise au vote des députés à la Chambre des communes, s’inscrit dans le cadre de la stratégie de Keir Starmer visant à attirer les investissements étrangers pour relancer l’économie britannique. Toutefois, l’assouplissement des règles en matière de propriété étatique soulève des inquiétudes au parlement, notamment en matière de sécurité nationale.
Un groupe anonyme aurait fait pression pour que le seuil de propriété étatique étrangère soit porté à 25 % dans le secteur de la presse, selon l’évaluation publiée par le gouvernement. Ce seuil s’aligne sur la législation en matière de sécurité nationale, qui permet déjà à des États étrangers d’acquérir jusqu’à un quart des infrastructures critiques, comme les centrales nucléaires.
La volonté croissante de certains États du Golfe d’investir dans les médias britanniques témoigne d’une nouvelle vague d’influence économique et politique. L’Arabie saoudite détient déjà des droits de diffusion sportive via la plateforme Dazn, et les Émirats arabes unis cherchent désormais à entrer dans le capital du Telegraph.
Grâce à la participation minoritaire de l’entreprise IMI — une société contrôlée par les Émirats — la réforme législative pourrait permettre au fonds américain RedBird Capital de prendre le contrôle du Telegraph. Lord Rothermere, membre du consortium RedBird, est en train de négocier sa propre part minoritaire dans le groupe Telegraph Media. À ce jour, l’acquisition n’a cependant pas encore été finalisée.