En 2025, la transparence du lobbying dans l’Union européenne reste un domaine inégal et complexe. Bien que le registre de transparence de l’UE soit une source centralisée pour suivre l’influence à l’échelle européenne, les États membres appliquent des législations nationales très différentes, avec des définitions et des règles de mise en œuvre variées.
À la mi-2025, le registre comptait 14 815 organisations, reflétant des dépenses de lobbying comprises entre 1,6 et 2,2 milliards d’euros par an. Ces chiffres, bien que complets, offrent une image incomplète en raison des différences nationales dans les procédures d’enregistrement et les obligations légales de divulgation au public.
Depuis 2021, l’inscription au registre de transparence est devenue une condition de facto pour accéder aux hauts fonctionnaires de l’UE et aux membres du Parlement. Cependant, l’application est plus administrative que punitive, pouvant limiter l’accès plutôt qu’imposer une sanction. La législation nationale joue donc un rôle clé dans la manière dont la transparence du lobbying est perçue, suivie et mise en œuvre.
Registres obligatoires et complets dans les États clés
L’Allemagne dispose depuis 2022 d’un registre fédéral des lobbyistes, étendu depuis pour inclure à la fois les entreprises et les consultants. En 2025, 6 166 organisations et 28 557 individus y sont enregistrés. L’initiative « empreinte législative » a amélioré la responsabilisation en suivant les contributions du lobbying dans le processus législatif.
Cependant, certains défenseurs de la transparence notent que ces données restent limitées en termes d’utilité et ne captent pas toujours les interactions informelles.
Le modèle irlandais à forte conformité
L’Irlande applique l’une des lois les plus strictes de l’UE en matière de divulgation du lobbying. Chaque individu ou organisation qui exerce du lobbying auprès des responsables publics désignés doit déclarer ses activités chaque trimestre, qu’il s’agisse de consultants ou de représentants internes.
Les autorités appliquent activement des amendes financières et poursuivent les manquements. En 2022, 468 avis de pénalité ont été émis. Ce système souligne la transparence comme valeur démocratique fondamentale en Irlande.
La mise en œuvre large mais inégale en France
La France dispose d’un registre supervisé par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Il concerne les lobbyistes dépassant certains seuils et nécessite un rapport détaillé sur les dépenses et objectifs annuels.
Cependant, des incohérences dans l’application, notamment pour les dirigeants et certains acteurs politiques, limitent l’étendue du registre. Néanmoins, la France reste l’un des pays les plus informatifs sur le lobbying, avec des dizaines de milliers de rapports publiés chaque année.
Réglementation minimale et portée limitée dans d’autres États
La Pologne dispose de l’un des registres nationaux les plus restreints de l’UE, avec seulement 19 lobbyistes individuels enregistrés. Le registre concerne uniquement les consultants et n’exige pas de rapport obligatoire pour les lobbyistes internes ou sectoriels.
Cette sous-déclaration élevée est préoccupante et se retrouve aussi dans d’autres pays comme la Bulgarie ou Malte, où le lobbying est peu ou pas réglementé.
Registres volontaires et émergents
En 2022, l’Espagne a proposé une loi instaurant un registre public et obligatoire des lobbyistes. En 2025, sa mise en œuvre est encore partielle. L’Italie n’a toujours pas de loi nationale en vigueur malgré plusieurs consultations. Les Pays-Bas disposent d’un registre volontaire, limité à un petit groupe d’acteurs, principalement parlementaires.
Les développements récents en Finlande
En 2024, la Finlande a lancé son propre registre national de transparence, exigeant que toutes les activités de lobbying auprès du Parlement et des ministères soient déclarées. Le registre contient des coordonnées, les objectifs du lobbying et les liens vers les lois pertinentes, illustrant une mise en œuvre complète dans le nord de l’Europe.
Qualité de la divulgation et accès à l’information sur le lobbying
Dans les États à structures solides comme la France, l’Allemagne et l’Irlande, l’identité des lobbyistes, les sujets et les moyens de contact sont normalement publiés. La base française compte plus de 66 900 rapports, détaillant non seulement les réunions mais aussi les communications écrites ou la participation à des événements.
L’Irlande permet également au public de vérifier les divulgations des lobbyistes avec les registres officiels. La Lituanie utilise un système à double vérification, nécessitant la déclaration à la fois par le lobbyiste et par le fonctionnaire.
Mesures de transparence des institutions européennes
La Commission européenne et le Parlement ont accru la publication des rencontres avec les lobbyistes. Depuis 2019, la Commission a publié plus de 21 191 réunions de haut niveau, et le Parlement plus de 56 800 entrées.
Cependant, selon Transparency International en 2025, 75 % de ces réunions impliquaient des représentants d’entreprises, soulignant un accès inégal et un facteur d’influence prédominant des multinationales.
Surveillance de l’État de droit et recommandations continues
Entre 2019 et 2025, les rapports sur l’État de droit de la Commission européenne ont recommandé de renforcer les lois sur le lobbying dans au moins 12 pays. Des recommandations pour des systèmes plus transparents et un meilleur accès aux données ont été faites à l’Autriche, la Belgique, la Croatie et la République tchèque.
Certaines de ces réformes sont déjà en consultation ou en cours de rédaction et devraient se concrétiser d’ici 2026.
Les organisations de la société civile continuent de surveiller et promouvoir les réformes. La multiplication des opérations d’influence financées par l’étranger et des campagnes de désinformation accentue l’urgence de lutter contre le lobbying opaque.
Vers un cadre harmonisé à l’échelle européenne ?
La diversité des réglementations sur la divulgation du lobbying en UE reflète la complexité de la gouvernance politique européenne. Certains pays comme l’Allemagne, l’Irlande et la France ont des cadres organisés et applicables, tandis que d’autres utilisent des systèmes volontaires ou ne régulent pas significativement le lobbying.
Ces lacunes pourraient être comblées par un registre européen harmonisé, nécessitant volonté politique, coordination administrative et évolution culturelle vers plus d’ouverture. La visibilité du lobbying influencera ainsi la confiance et la crédibilité des décisions politiques à l’échelle européenne.
Français Le fait que les États membres de l’UE aient des réglementations diverses sur la divulgation des activités de lobbying indique que l’ensemble de la gouvernance politique européenne est plus complexe. Certains pays comme l’Allemagne, l’Irlande ou la France ont développé des cadres exécutoires organisés qui ont des normes de conformité élevées, mais d’autres ont encore recours à des systèmes volontaires ou n’ont pas réglementé les actes de lobbying de manière significative. Ces lacunes pourraient finalement être comblées par l’effort vers un cadre harmonisé à l’échelle de l’UE, mais seulement alors, sous réserve de la volonté politique, de la coordination administrative et des changements de culture vers l’ouverture institutionnelle. Les questions d’influence et de légitimité devenant centrales dans la politique européenne, la manière dont la visibilité du lobbying va changer pourrait faire évoluer l’avenir de la confiance et la crédibilité de l’élaboration des politiques dans l’ensemble de l’Europe.