Le lobby caché : comment les entreprises utilisent les associations caritatives pour influencer les politiques publiques

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
The hidden lobby How corporations use charities to shape policy

Les associations caritatives dirigées par des chefs d’entreprise investissent en moyenne 130 000 dollars par an dans des activités de lobbying au profit des entreprises auxquelles elles sont liées. C’est ce que révèle une étude révolutionnaire, qui met en lumière les bénéfices tirés par les entreprises de leurs actions philanthropiques — et la volonté parfois très marquée des associations à rendre la pareille à leurs puissants membres du conseil d’administration, en échange d’alliances lucratives.

Les auteurs de l’étude ont déclaré à la BBC que leurs recherches pourraient permettre aux décideurs politiques et aux responsables associatifs de surveiller un canal d’influence politique jusqu’ici largement ignoré, bien que ces pratiques soient actuellement parfaitement légales.

“Les associations ont aussi quelque chose à y gagner. Il ne s’agit pas toujours de grandes entreprises imposant leur volonté “,

commente Sehoon Kim, professeur de finance à l’Université de Floride et auteur principal de l’étude.

“C’est une relation de donnant-donnant naturelle qui émerge des incitations des deux parties.”

Un exemple révélateur concerne l’American Medical Association (AMA), qui, dans les années 2010, s’est activement opposée aux mesures fédérales visant à restreindre les prescriptions d’opioïdes. Cette action a servi des acteurs comme Purdue Pharma, le fabricant de l’OxyContin, largement accusé d’avoir aggravé la crise des opioïdes aux États-Unis.

Il se trouve que Richard Sackler, haut dirigeant de Purdue, siégeait au conseil de la Fondation AMA — une situation jugée problématique par beaucoup. Sackler avait versé des millions à la fondation, et d’autres associations espèrent sans doute que des membres influents de leur conseil faciliteront également l’accès à de généreux donateurs, en mettant en relation leurs réseaux d’affaires.

Ainsi, une campagne de lobbying coordonnée en faveur de ces “nouveaux amis” pourrait bien être le moyen le plus rentable d’assurer la continuité de ces dons. Kim a mené cette recherche avec les professeurs Joel Houston (Université de Floride) et Changhyun Ahn (Université Chinoise de Hong Kong), pour une publication prochaine dans la revue Management Science.

Les chercheurs ont minutieusement analysé les données de plus de 400 associations et 1 000 entreprises mentionnant des relations entre conseils d’administration, contributions et efforts de lobbying — à l’intérieur comme à l’extérieur des activités politiques classiques de ces structures. Ils ont ciblé les associations de grande taille déjà actives en lobbying, qui sont trois fois plus puissantes que les petites organisations qui n’en font jamais.

Dès l’arrivée d’un nouvel administrateur issu du secteur privé, les associations modifiaient leur comportement. Elles se montraient bien plus enclines à défendre des causes étrangères à leur mission initiale, voire à soutenir ou bloquer des lois profitant à l’entreprise de leur nouveau membre — même si cela n’avait rien à voir avec leur objet social. Cela représentait une hausse moyenne de 14 % du budget de lobbying.

“Ce sont les preuves irréfutables qu’il se passe quelque chose qui ne devrait pas avoir lieu”,

affirme Kim.

Puisque le lobbying est un usage très efficace des ressources, et que les associations prêtent leur image positive à ces actions, leur implication est un atout majeur pour les entreprises partenaires.

“Ce sont là des canaux d’influence méconnus du pouvoir politique des entreprises que les décideurs publics doivent sérieusement prendre en compte”,

conclut Kim.

Research Staff

Research Staff

Sign up for our Newsletter